2009 : échos (page 3)

Par Elena Costelian

STRASBOURG, 5 NOVEMBRE 2009

« Ce voyage m’a beaucoup coûté de moi-même. Je peux dire à présent que j’étais dans une profonde douleur. Une douleur qui s’est manifestée par ce rire, un rire qui brise le silence pesant, un rire qui dérange, un rire qui pleure.
Je ne pense pas être capable d’écrire quoi que ce soit d’ordonné qui pourrait décrire de près ou de loin cette expérience du « là-bas ».
Ce 0,09 microSievert indiqué sur le compteur à Volodarka. Ce 0,09 microSievert au bord de la Zone.
Et quels mots pourraient décrire le 0,46 quant à la marche sur ce qui reste du bitume de Bober et le 7,0 en bordure de celui-ci ?
Quels mots pourraient décrire le trou noir que ce 7 a creusé dans ma tête ?
Quels mots pourraient décrire le piano éventré dans le conservatoire de Pripiat ?
Quels mots pourraient décrire cette nature empoisonnée et ces villages dépecés, cicatrice à peine visible par cette belle journée d’automne ?
Ces mots, je ne les trouve pas. Ces mots n’arrivent pas à ma bouche. Et s’il y en avait un, ça serait « cutremurat » et l’expression qui en découle « m’a cutremurat » (en roumain), qui signifie en français « trembler », « faire trembler quelqu’un ».
Trembler prend sa racine dans le latin « terror ». En français, le mot est employé dans son sens physique « être agité de petites contractions involontaires » en parlant du corps humain, de la voix. Plus tard, on l’utilise pour désigner une lumière qui varie d’intensité.
Mais en roumain, comme en latin, il signifie au figuré « éprouver une violente émotion sous l’effet de la peur ».

Amicalement,
Elena