2009 : échos (page 2)

Par Patricia Le Calvez

POURQUOI J’Y SUIS ALLÉE ?

Envie de comprendre ce que me racontaient Pascal et Morgan,
Envie de mettre ma propre goutte d’eau en témoignant à mon tour,
Envie de me confronter à moi-même en m’autorisant à monter mon propre projet grâce à la confiance, au soutien de ma famille, de Pascal et Morgan,
Envie de donner, de partager, de regarder en essayant de ne jamais me positionner comme « voyeur » auprès des habitants de Volodarka,
Envie de donner la parole aux enfants au travers de l’image

Comment parler de ce séjour en banlieue de Tchernobyl…

Le ressenti est tellement fort,
on a l’impression qu’il ne sera pas possible d’en parler.
Je ne sais pas très bien exprimer tout cela par écrit, mais je vais essayer de décrire mes impressions.

Premier contact avec la zone – Bober.

Village vide, végétation luxuriante, silence, masque, bottes, dosimètre en main.
Besoin de m’éloigner de Pascal et Eléna.
Suffocation avec le masque, je ne le supporte plus, le dosimètre me gène. Je décide de retirer le masque. Je me dis que je porte un masque alors que les personnes qui vivent ici n’en ont pas, je ne fais que passer, je me sens indécente.
Je marche, je marche et beaucoup d’images me viennent à l’esprit, j’imagine les personnes qui vivaient là, je vois des gens qui courent pour partir, j’entends des voix.
Je ne me sens pas mal.
Eléna me rejoint et m’informe de ses peurs de la radioactivité et là je prends conscience que je n’ai pas peur, je me demande si je suis inconsciente.
On rejoint la route en direction du camion et je sens en moi une grande angoisse, j’ai mal à la tête et au ventre.
Arrivée au camion tout bascule, je pleure et je n’arrête pas de me dire qu’a-t-on fait, qui je suis, je pense à mes filles, j’ai de la colère, je ne comprends pas l’humain, mon cœur s’emballe, il faut que je gère cette émotion.
Nous rentrons et je m’isole dans la chambre.
Je me demande ce que je fais là et pourquoi je suis venue.

Je commence à prendre mes marques à Volodarka avec l’envie de prendre mon temps de ne pas précipiter les choses. La barrière de la langue me gène, rien n’est possible sans Olga notre interprète. On apprend à gérer le temps et l’attente des disponibilités de chacun.

Avec Morgan nous passons un après-midi avec quelques enfants qui jouent dans de vieux vêtements retrouvés dans le grenier. Sacha se déguise et fait la vedette. Tola –jeune homme de 18 ans – nous regarde. Je décide de prendre mon appareil photo pour immortaliser ce moment. Tola m’observe, je sens en lui l’envie de regarder mon appareil.
Je le lui mets autour du cou et essaye de lui expliquer le fonctionnement (sans interprète pas facile). Son visage s’éclaire, il est fier et cela me remplit de joie. Il prend des photos, me regarde. Je suis heureuse.

Vassia son ami a aussi très envie d’apprendre, je leur prête 2 appareils avec lesquels ils vont partir un après-midi avec pour seule contrainte : « prendre des images des habitants de Volodarka ».

Voilà le résultat. La suite reste à construire….

Photos : Tola, 18 ans