2019 : nitrates (page 5)

Chez les amis

Nous revenons de nos rendez-vous vers un secteur peu touché par l’accident. Luda et Valera nous hébergent à Horodeshchyna. Nous sommes amis depuis plus dix ans. Les deux filles de la maison ont grandi et se portent bien.

La petite, 9 ans, veut être vétérinaire ici. La grande, 13 ans, rêve de vivre à Kiev. Elle veut rouler en Lexus, dit son père qui la taquine.
Dans ces conditions de vie précaires, Valera se débrouille. Il a monté une petite scierie et construit une chapelle pour le village. Luda s’occupe de la bibliothèque pour les enfants : il en reste une demi-douzaine.

À Volodarka, le village voisin, nos amis Viera et Vassia, retraités, s’inquiètent de l’avenir de leur pension (115 euros à eux deux), l’école est menacée de fermeture : il n’y a plus assez d’enfants. Nous faisons l’inventaire des morts, des malades et de ceux qui s’en sortent. Leur fils aîné, dosimétriste à Tchernobyl, suit les pompiers. Leur dernier travaille à Kiev, dans une station-service. Sa copine est une citadine : Viera ne la croit pas capable de vivre ici.

Coïncidence de calendrier, la mini-série Chernobyl est diffusée par HBO. La jeune génération découvre, dans un format moderne, les dimensions de l’accident dans l’ombre duquel ils ont grandi et dont la gestion leur incombe désormais.
Comme nous l’a confié un jeune spécialiste de l’eau potable, lors de la conférence de Slavoutich : les systèmes de filtration ont été conçus pour arrêter trois produits, on leur demande d’en stopper soixante aujourd’hui.

Texte & photos : PR