2022 : mini journal de guerre – février

Avec Olga, Pacha, Tanya, Valera, Irina, Tola…

Nous préparions un voyage en Ukraine, trois semaines en avril, quelques français de retour dans la Zone. L’armée russe campait par là.

Nous échangions avec Olga pour préparer ce voyage, nous parlons désormais de la guerre.

2014 – Secteur de Poliské – Rudnia 2.0


Les infos permanentes :

  • Trois réseaux fournissent nos informations dosimétriques : GMC, SaveEcoBot et JRC
  • La situation des installations nucléaires ukrainiennes est notamment suivie par ces entités : SNRIU, AIEA, IRSN et CRIIRAD, avec des communiqués plus ou moins réguliers.

La situation radiologique semble normale.


Lundi 28/02, 23h00

Bonsoir,


Lundi 28/02, 12h30

Pacha va s’inscrire à la défense nationale et agir là où ils sont. Les parents d’Olga préparent des cocktails Molotov…

Olga a parlé avec Tola (l’ami accordéoniste de Volodarka pour celles et ceux de la période 2006-2011 ; il est marié et a deux enfants)


Lundi 28/02, 9h00

Bonjour,

Message d’Olga ce matin : ça va pour eux.

Pas de nouvelles de Valera.

Son commentaire à propos de l’état d’esprit ukrainien :

Le succès de l’armée ukrainienne s’explique par le fait que les généraux ukr ont cru aux Américains quand ils ont dit que Poutine s’apprêtait à attaquer. L’armée ukr était prête à se défendre, les avions étaient dans le ciel le matin du premier jour, c’est pourquoi on n’a pas perdu d’avions quand les aéroports étaient bombardés. On se défend avec tout ce qu’on a et même sans rien. Ce matin les villageois de région Sumy ont arrêté une colonne russe parce qu’ils ont bloqué la route, mains nues. Les gens n’ont pas bougé, les tanks ont arrêté.Les civils jettent des Molotov aux véhicules militaires et en ont déjà détruit 3.Un bataillon russe s’est trompé de route (parce que nous avons enlevé les panneaux et les signes) et s’est trouvé dans un village inconnu. Ils y ont passé quelques heures  Les locaux ont décidé de se renseigner et de s’approcher. Les Russes les ont vus et ont flipé, et ont couru dans les forêts pour se cacher. Alors les chasseurs locaux les cherchent, ça s’appelle Safari de Gadiatch.Kadyrov croit aussi que l’armée rus n’avance pas beaucoup, il a envoyé 1300 (je ne suis pas sûre de chiffres) Tchétchènes, des militaires professionnels. Mais ils ne nous font plus peur, l’armée ukr a neutralisé un bataillon tchétchène près d’Irpin.Je pense que nous sommes (une) nation de Valeras, les gens qui apprennent à survivre dans les circonstances données et à se défendre comme des lions. Je n’ai jamais été si fière d’être Ukrainienne.


Dimanche 27/02, 10h00

Bonjour,

Olga et Pacha vont bien.

Olga nous a fait savoir cette nuit qu’elle reste (« Puisque Pacha est interdit de partir je reste aussi »).

Elle dit qu’ils ont bien rigolé hier soir et dormi ; la colère remplace la peur, dit-elle. Ils commencent à donner des petits noms de boisson ukrainienne aux cocktails Molotov…


Dimanche 27/02, 1h00


Samedi 26/02, 16h47


Samedi 26/02, 15h

Bonjour,

Toute la zone au nord de Kiev sur la rive gauche du Dniepr (celle que nous connaissons) serait sous contrôle russe d’après https://liveuamap.com/en/

Pour l’instant, il n’est ni approprié ni fiable d’envoyer de l’argent, mais la constitution d’une cagnotte paraît raisonnable. Olga et Pacha ne sont pas sans ressources immédiates, mais départ ou non, elles ne dureront pas ; nous sommes plus inquiets pour Valera et les conditions de vie là-haut. Il peut y avoir aussi besoin de payer l’AR vers la frontière polonaise le cas échéant. Donc, pas d’urgence, mais on peut l’anticiper. Est-ce que quelqu’un parmi vous a l’expérience d’une solution en ligne et voudrait la mettre en place ?
Brice a pris des infos auprès d’un ami polonais sur l’état des postes-frontière et l’organisation de l’accueil et de la redirection des réfugiés. Les Polonais ont l’air de bien faire les choses. Les temps d’attente à la frontière sont déjà très longs (15 km de bagnoles et Olga parle de 20h d’attente).


Samedi 26/02, 11h

Bonjour,

Olga a eu Valera au téléphone : il est avec sa plus jeune fille, ils se cachent. Sa fille ainée s’est déplacée vers le centre de l’Ukraine. Les Russes ont détruit, dit-il, les écoles de Krasiatichi, Volodarka, Termakovka, ainsi que la station essence de Volodarka.

Nous envisageons un AR à la frontière polonaise, si besoin. 


Vendredi 25/02, 23h47

Bonsoir,

Nous vous faisons part des dernières nouvelles et de nos réflexions.
Nous sommes toujours en communication avec Olga ; Cathy lui a parlé également cet après-midi.

La situation personnelle d’Olga et Pacha est correcte : ils sont en famille dans une petite ville au sud de Jytomyr, à l’ouest de Kiev donc.

Leur départ d’Irpin ce matin (au nord-ouest de Kiev, à 9 kilomètres de l’aéroport d’Hostomel, enjeu de combats) a pu se faire à temps ; elle rapporte des bombardements et des civils abattus par les Russes, les circonstances ne sont pas claires pour nous, mais c’est ce qui les a décidés à bouger.

La question d’un départ, soit plus à l’ouest en Ukraine, soit vers l’Europe, doit être dans leurs discussions, d’après ce que nous comprenons. Mais la mobilisation a été décrétée et Pacha ne peut donc plus quitter le pays, a priori.

Olga a reçu de ses amis européens, dont vous êtes, de nombreuses propositions d’hébergement et des marques d’affection ; nous pensons personnellement qu’il ne faut pas attendre davantage pour chercher à quitter le pays, d’autant que les conditions de déplacement et d’accès aux postes-frontière peuvent se dégrader vite si l’invasion russe atteint ses objectifs. Un ami belge lui a proposé de venir la chercher à la frontière polonaise. Nous y pensons aussi. Il est aussi possible que le comportement des pays européens frontaliers change avec l’afflux.

Les échanges d’aujourd’hui montrent en tous cas que son état d’esprit a basculé en 48h : elle ne croyait pas à une invasion mercredi soir, était prête à se battre hier soir, elle était terrorisée à la mi-journée. Nous la savons résiliente, mais elle a clairement basculé avec les combats de ce matin et l’abandon de leur logement.

Nous pensons raisonnable à ce stade de lui conseiller de passer la frontière. Ses chances ici sont d’emblée bien meilleures que pour la majorité des réfugiés. Nous pensons également que si Pacha doit rester pour se battre, il préférerait peut-être savoir sa femme à l’abri chez des amis.

Nous n’avons pas de nouvelles de Valera par contre ou de Volodarka ; Olga non plus. Elle préfère imaginer que le réseau téléphonique n’est pas fonctionnel. D’après les infos que nous avons, la zone de Krasiatichi est sous contrôle russe.

Concernant la situation à Tchernobyl, l’hypothèse retenue pour expliquer l’augmentation des débits de dose sur le réseau des balises automatiques est celle de la mise en suspension des particules présentes dans le sol par les blindés. L’IRSN juge l’hypothèse plausible.

Voici l’adresse de la carte des balises (valeurs en nanoSievert/h : à diviser par 1000 par rapport à nos références habituelles en microSievert/h) : https://www.saveecobot.com/en/radiation-maps#12/51.3542/29.8320/gamma/comp+cams+fire


@ Mathieu : tu peux partager ce mail avec ton ami journaliste si tu le juges utile.

Budma les ami.es


Vendredi 25/02, 19h40 (mail de Cathy)

Coucou, je viens d’avoir Olga au téléphone, elle m’a demandé de vous donner des nouvelles, le réseau n’est pas très bon où elle est. 
Elle est évidemment assez terrorisée, voilà nos premiers échanges. 

Je l’ai appelée pour lui parler en direct à ce moment-là. Elle dit que la ville où ils sont est calme, elle était étonnée de voir des gens se promener dans la rue. Et il y a une cave à 10 mètres.
Ils sont chez le beau-frère du frère de Pacha, ils vont être bientôt 10 dans un 3 pièces, la bonne nouvelle c’est qu’a priori ils s’entendent bien. 
Elle dit qu’ils ont de quoi manger et se débrouiller, qu’ils vont discuter ensemble pour décider s’ils vont rester là ou essayer d’aller plus à l’ouest, ils ont deux plan potentiels. 

Pleurer lui fait du bien, comme garder un œil sur les news, et elle trouve du réconfort en faisant des choses de ses mains, grand ménage, cuisine, etc. 
3 ponts ont été détruits près d’Irpin, et elle se demande si elle retrouvera leur appartement un jour.

Elle dit aussi aujourd’hui : si on part d’Ukraine, ce sera juste moi et Fidèle [le chien], car en tant qu’homme entre 18 et 60 ans, Pacha ne peut pas sortir du pays. Donc elle ne veut pas partir, mais elle dit qu’ils en discuteront aussi. 

Voilà, je vous embrasse, tenons-nous au courant, et BOUDMA les amis.


Vendredi 25/02, 10h

Bonjour,

Leur appart est à Irpin dans le nord-est de Kiev (et non au sud comme je le disais hier : excusez-moi), à 9 km de l’aéroport d’Hostomel.

Olga a envoyé un sms à Morgan vers 8h30 pour dire qu’ils quittaient Irpin pour aller vers l’est, chez un « tonton » et que « ça n’allait pas ».
Un ami (Alain) vient de lui parler en visio à l’instant (10h) : ils sont en voiture.

Il y aurait une augmentation de la radioactivité mesurée dans le secteur de Tchernobyl, mais simplement liée au remuement du sol par les blindés  :

Les données du système automatisé de surveillance des rayonnements pour la zone d’exclusion, qui sont disponibles en ligne, indiquent un excès de débit de dose gamma (points noirs) sur un nombre important de sites de surveillance. L’occupation et les opérations militaires ont rendu impossible la détermination des causes des changements du fond de rayonnement dans la zone d’exclusion à l’heure actuelle.

Updated information!
As previously reported, the control levels of gamma radiation dose rate in the Exclusion zone were exceeded.
Experts of the Ecocenter connect this with disturbance of the top layer of soil from movement of a large number of radio heavy military machinery through the Exclusion zone and increase of air pollution.
The condition of Chernobyl nuclear facilities and other facilities is unchanged.

Державна інспекція ядерного регулювання України

Les chiffres sont en nanoSievert/h (diviser par 1000 par rapport à nos habitudes de mesure en microSievert/h)

Il n’y a pas de compteur actif dans la région en ce moment sur la carte du réseau GMC
https://www.gmcmap.com/index.asp

Capture d’écran de LiveUAmap
Progression de blindés sur la route d’Ivankiv vers Kiev
Tchernobyl serait sous contrôle russe, comme vous avez dû le lire dans la presse.


Jeudi 24/02, 18h00

Bonjour,

Nous venons d’échanger avec Olga et Pacha, actuellement en banlieue sud de Kiev dans leur appartement. Ils vont bien, ainsi que leurs familles proches.

Ils disposent d’un abri à proximité et des premières ressources. Un aéroport militaire a été bombardé à une vingtaine de kilomètres de chez eux. Ils entendent des explosions.

L’attaque a été un choc (nos échanges d’hier soir montraient qu’elle ne s’attendait pas à un déclenchement général), Olga est très stressée, mais s’est raisonnée au fil de la journée, à mesure qu’elle prenait des nouvelles de la famille et des amis. Elle est très reconnaissante des marques d’affection reçues, notamment de ses connaissances étrangères.

Ils sont déterminés à ne pas fuir, ce qui n’est, selon elle, plus vraiment possible (nombreux check-points, pas d’essence dans les stations ou des files interminables).

L’ami Valera (nord de Volodarka) l’a appelée : il a assisté cette nuit au passage des missiles depuis la frontière nord.

Des combats ont lieu sur le site de Tchernobyl autour du stockage des déchets. Olga rapporte que ça pourrait un enjeu pour Poutine : un moyen de pression sur l’Europe.

Elle nous fait savoir que l’Ukraine n’est pas morte !

Si vous voulez, je relaierai leurs nouvelles au fur et à mesure.


Mercredi 23/02, 22h00 (Skype)

21:56
Comment vous voyez les choses, les amis ?
Des bises

Olga, 21:57
Salut ! j’ai pas vu le message précédent, pardon

C’est affreux et horrible, mais on garde le sang froid. On essaie de ne pas paniquer et on continue la vie normale si j’ose dire

L’Ukraine est prête à combattre, il y a des queues près des bureaux de recrutement

Les réservistes sont appelés par le président, mais il y a beaucoup de bénévoles

22:01
Pacha est réserviste ?

Olga, 22:01
Les gens dans la rue ne parlent plus fort, ils chuchotent quand quelqu’un passe

Non, Pacha n’est pas réserviste

Ça va chez vous ?

22:06
Oui, ça va, je te remercie. J’ai parlé aujourd’hui avec les collègues du bureau de la situation, qui est évidemment beaucoup plus lointaine pour eux. Pour nous, c’est comme s’il s’agissait du village d’à côté… Et en même temps, nous sommes encore à l’abri, bien sûr.
Nous avons le sentiment d’être à l’orée de quelque chose qui pourrait changer grandement la vie de pas mal de monde.
Vous avez toujours l’option d’un départ ?
Vous devez savoir que vous êtes les bienvenus ici et chez les amis que vous avez en France : ceux qui vous connaissent vous aiment.
Peut-on faire quelque chose ?

Olga, 22:14
Merci Pascal, merci la famille ! Je sais que nous sommes dans vos pensées. On ne partira pas de l’Ukraine, c’est décidé. Pour l’instant tout fonctionne, les postes, les banques, la police, le transport. 80 pour cent de l’Ukraine n’est pas en danger (les ministres se demandent même comment attirer les touristes, tu imagines ?

22:14
Entendu.

Olga, 22:15
Je ne sais pas si vous pouvez faire quoi que ça soit. Ne paniquez pas, on a Valéra de notre coté

22:15
Zuper Valeraaaa !

Olga, 22:16
Ukraina bomba! Slava Ukraїni!

22:16
Ben, pour le tourisme, il y a Tcherno

Olga, 22:17
C’est toujours vrai

22:17
Slava Ukranïni !

Olga, 22:18
Heroyam slava

22:19
Morgan est montée se coucher. On pourra se parler demain avec elle aussi, tu veux bien ?

Olga, 22:20
Avec plaisir. Vers 20h30 – 21h00 de France ?

22:20
Oui, très bien. On vous embrasse fort les amis.
21h, c’est bien.

Olga, 22:21
On vous remercie bien et on vous embrasse aussi

22:22
A demain, chère Olga

Olga, 22:22
A demain, chers amis


Mardi 22/02, 10h40 (mail aux français avec qui il est question de partir en Ukraine en avril)

Bonjour à vous,

A deux mois du voyage envisagé, je ne vois pas bien comment la tension militaire (désormais dans le nord aussi avec le coup de main de Loukachenko en Biélorussie) pourrait disparaître, malheureusement. Le discours de Poutine d’hier paraît clair (pour ce que j’en lis dans la presse).
Nous allons reparler avec Olga. Elle nous dira peut-être les options qu’elle envisage pour son propre couple, y compris un éventuel départ pour l’Europe.On n’y est pas, je ne veux pas dramatiser, mais je suggère d’envisager pour eux un point de chute, une possibilité d’emploi (?) ; je parle simplement d’ouvrir cette hypothèse dans nos petits univers personnels, au cas où la situation viendrait à partir en couillettes.