2019 : nitrates

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Cinq ans après ma dernière visite, nous retournons avec Jean Gaumy dans les environs du vieil accident, voir les gens qui vivent à côté et visiter le camp d’internement des arbres.
Comment vont les choses et les gens dans le quartier de Tchernobyl ?

La monnaie ukrainienne dévalue (30 grivnias l’euro), un nouveau président est tout juste élu (aux trois quarts des suffrages). C’est un comique professionnel, sans expérience de la politique : le message des Ukrainiens est clair.
Alors que le saccage de la biosphère pèse davantage sur le monde contemporain, que l’accident de Fukushima a renchéri le risque nucléaire, pourquoi rendre encore compte d’un événement vieux de trente-trois ans ? En quoi la catastrophe ukrainienne, survenue le 26 avril 1986, doit-elle encore retenir notre attention ?

Les bilans tamponnés par les agences internationales admettent certes un surcroit de cancers, notamment de la thyroïde, mais rangent à la marge à peu près tous les autres symptômes d’une dégradation de la santé publique dans les territoires contaminés (documentés par des travaux scientifiques encore mal financés et peu relayés).
On se souvient du concept de radiophobie, proposé pour englober les excès de morbidité ou de mortalité dont le lien avec la catastrophe n’est pas encore compris. Ou l’argument d’une absence de statistiques antérieures pour écarter telle ou telle évidence, visible aujourd’hui.
La remarquable synthèse rédigée par Marc Molitor, journaliste pour la RTBF, est éclairante sur la difficulté à dépasser la mainmise de l’expertise pronucléaire sur la radioprotection des populations.

Les accidents nucléaires sont des cataclysmes de longue haleine, qui libèrent le temps radioactif (pour rappel, 240 000 ans pour le plutonium), sans commune mesure avec les temporalités humaines, individuelles ou sociétales.
Pourtant, comme ailleurs, les contraintes économiques, politiques et sociales opèrent sur les zones d’exclusion. Comme la contamination ne bougera pas, on observe un remplacement des étiquettes.
Pour s’en rendre compte, il faut visiter les quatre districts limitrophes du secteur de Tchernobyl, adossé à la frontière biélorusse, cent kilomètres au nord de Kiev. Notre chère Olga nous accompagne.