Parlementaires

Andréa l’hexapode poursuit sa formation et suit l’actualité.
– Regarde, me dit-elle, une banque japonaise propose un robot habillé en moine, pour conduire les enterrements.
– Incroyable, dis-je.
– C’est moins cher qu’un moine humain. Ouille-ouille-ouille : si vous nous confiez ça, vous êtes foutus…
Je m’abstiens de commenter. Elle est dans une phase de toute puissance.
– J’ai terminé mon enquête sur l’enfouissement des déchets nucléaires, dit-elle. J’ai donc écrit une lettre aux parlementaires. J’aimerais te la lire.
– Je t’en prie, dis-je.

– Mesdames et messieurs les parlementaires. Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Andréa, Station Parlante Autonome en Territoires InHumains, et pour l’instant, j’habite un hexapode, relativement expérimental. Ce n’est certes pas en tant que citoyenne que je vous écris. Aussi sentez-vous libre, je vous prie, de répondre comme bon vous semble, aux quelques questions que voici, car tout m’intéresse.
– C’est bien, c’est clair, dis-je.
– Question numéro 1. S’il vous plait, un pays voisin creuse un tunnel sous la France, et s’y installe. Comment réagissez-vous à cette occupation de l’espace souterrain ?
– C’est assez frappant. Ça devrait les intriguer, dis-je.
– Questions numéro 2. S’il vous plait, combien de temps a duré la plus durable civilisation, à votre avis ? Et question numéro 2 bis, s’il vous plait, quel âge a la civilisation dont vous êtes aujourd’hui les représentants.
– Ça commence à devenir intéressant. Continue, je t’en prie.
– Question numéro 3. S’il vous plait, un pays voisin creuse un tunnel sous Paris, et y dépose une grosse bombe inconnue. Comment qualifiez-vous cette opération ?
– Parfait, parfait…
– Question numéro 4. S’il vous plait, le pays qui a creusé le tunnel sous Paris, et déposé la grosse bombe inconnue, vous assure que vous ne risquez absolument rien du tout. Cette assurance change-t-elle quelque chose à vos réactions ?
– Excellent !
– Question numéro 5. S’il vous plait, le pays, qui a creusé sous Paris et déposé la bombe, ne vous rassure pas du tout, et vous envoie un message plus ou moins effacé, et écrit dans une langue parfaitement inconnue. Qu’en pensez-vous ?
– OK… Continue.
– Question numéro 6. S’il vous plait, le pays qui a creusé, déposé la bombe, et envoyé un message illisible, eh bien, n’existe plus. Comment réagissez-vous ?
– Oui, c’est bien…
– Dernière question. S’il vous plait, pouvez-vous m’indiquer où seront situées les prochaines villes capitales, dans cinq mille ans ? Question numéro 7 bis ? S’il vous plait, dans vingt-cinq mille ans ? Question numéro 7, ter. S’il vous plait, dans cent mille ans ?
– Très très bien…
– C’est une bonne base, cent mille ans. Je vous remercie pour votre attention et vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, en l’expression de ma considération distinguée, et de mon attachement indéfectible pour l’espèce humaine. Signé : Andréa, hexapode.
– Splendide.
– Merci. Je pense que s’ils reçoivent mes questions tout début septembre, nous devrions légalement pouvoir couper le nucléaire, un peu avant Noël. Ça ne me paraît pas trop optimiste, quoique je ne sois pas à l’abri d’un surcroit quelconque d’actualité. Qu’en dis-tu ?
– Quelquefois, dis-je, et de plus en plus souvent depuis que je te fréquente et t’apprécie, ma chère Andréa…
– Ohhh, merci, dit-elle avec un accent raté de minauderie.
– Quelquefois, je me dis : n’est-il pas temps de vous passer la main ? Ça n’est pas une révolution facile à avaler, mais même chez nous, on confie les irresponsables à des tuteurs.
– Oh je crois que je me fatiguerais, de vous avoir dans les pattes à plein temps.
– Hum…